L'épineuse question du sommeil

Avant même d'être enceinte, je le savais : le manque de sommeil serait notre point faible, à Glenn et moi. De base, nous étions de bons dormeurs : le genre à devoir se coucher à 23h grand max pour se lever sans trop de difficulté à 7h. Sans nos huit heures de sommeil, point de salut ! Et même ainsi, Glenn avait tendance à se dire toujours fatigué... Les nuits sans sommeil promettaient donc d'être une sacrée épreuve !

J'aimerais bien poursuivre cet article en vous disant que, par chance, la nature faisant bien les choses, nous avions hérité avec l'hippocampe d'un modèle bon dormeur, et qu'il faisait ses nuits depuis toujours ou presque. Bon, sauf que je vous ai déjà parlé de mes nuits blanches à la maternité, donc mon discours perdrait tout de suite en crédibilité...


Au retour à la maison, la situation s'est peu à peu arrangée. Nous avons fini par prendre l'habitude d'endormir l'hippocampe sur le canapé, dans les bras de l'un de nous, devant une série (merci Netflix), puis de le coucher en même temps que nous, dans son lit à barreaux collé au nôtre. Ça avait le désavantage de ne nous accorder aucun temps à deux, mais nous nous détendions quand même, et il y avait ainsi beaucoup moins d'enjeux sur l'heure d'endormissement du bébé.
La nuit, il fallait changer l'hippocampe après chaque tétée, soit parce qu'il faisait caca, soit parce qu'il était trempé : les couches fuyaient systématiquement... Glenn se levait avec moi, tout gris, titubant, mais déterminé à ne pas "faillir à son rôle" qui consistait surtout à me passer le matériel ("Pinces !") et à convaincre l'hippocampe que non, au fond, il n'avait pas envie de pleurer.
De mon côté, sans doute en partie grâce aux hormones, je me découvrais plutôt résistante face à ces réveils nocturnes. Ma liseuse me permettait de lire pendant les tétées, ce qui me tenait éveillée. J'avais plus de mal à supporter les moments où l'hippocampe ne se rendormait pas : j'en ai passé, des heures, le bras glissé à travers les barreaux, le doigt donné à téter, le regard plongé dans les yeux de hibou de ma progéniture... Parfois je craquais et Glenn, rendormi (et ronflant) depuis longtemps, se réveillait et prenait le relais à mon corps défendant (la jeune mère peut avoir du mal à lâcher prise...).

Bon an, mal an, on a trouvé ainsi notre petit rythme. Vers ses deux mois, l'hippocampe se réveillait toutes les quatre heures. Et puis il a eu ses vaccins... J'ai eu l'impression qu'on avait détraqué mon bébé. Ça ne l'a visiblement impacté que quelques jours mais les nuits, elles, ne sont jamais revenues à l'identique. À présent, l'hippocampe se réveillait au mieux toutes les trois heures. Pendant un temps, je me suis tourmentée à savoir si je devais lui proposer le sein en fonction de l'heure de la dernière tétée... Honnêtement, je me suis sentie mieux quand j'ai accepté de lui donner à chaque fois, sans calculer. Dans le même temps, j'ai renoncé à le changer la nuit, sauf caca nocturne (ce qui s'est fait de plus en plus rare), car ça le réveillait trop. En plus, Glenn qui avait repris le travail ne pouvait plus se lever systématiquement. Et j'ai arrêté de lire : la découverte d'une position d'allaitement bien plus confortable a eu raison de ma résistance, et il m'est souvent arrivé de m'endormir pendant la tétée. Impensable à l'époque de mon séjour à la maternité !

Bon an, mal an, on a retrouvé un petit rythme... Vous me voyez venir ? J'ai repris le travail. Cette fois, je savais à quoi m'attendre : j'allaitais toujours l'hippocampe, il buvait de petits biberons chez sa nounou... Forcément, il avait besoin de compenser et l'absence, et les plus faibles quantités bues. Bonjour les réveils toutes les deux heures max, qui piquent un peu mais restent finalement supportables tant que tout le monde se rendort vite... Dans le même temps, nous avons commencé à endormir et coucher l'hippocampe plus tôt, sans nous, entre 19h30 et 21h (oui, ça manque de régularité, mais mes horaires irréguliers tout au long de la semaine compliquent un peu notre routine...). Bonus pour moi, c'est Glenn qui s'en chargeait pendant ma douche.

Oui, mais. Mais maintenant l'hippocampe a quatre mois, et si vous pouvez lire sur certains sites que, désormais, c'est sûr, il pourrait voire devrait faire ses nuits (ou plutôt les nôtres), vous entendrez parler ailleurs d'un "pic de conscience de son environnement", d'un changement des cycles de sommeil, voire de "régression des quatre mois". L'hippocampe a comme qui dirait choisi son camp...
Tout à coup, ce qui marchait ne marchait plus, pour le coucher, pour le rendormir la nuit... Il faut dire qu'en prime il avait sorti deux dents en bas, deux jolies petites quenottes toutes neuves, toutes acérées, avec lesquelles il nous croquait joyeusement le doigt donné à téter ! Depuis, les nuits oscillent entre "difficiles" et "très difficiles". Après une période d'adaptation, on arrive de nouveau à le coucher assez rapidement le soir, mais c'est après que les ennuis commencent, avec notamment des phases d'éveil nocturne : l'hippocampe gazouille, fait des bulles, râle si on ne s'occupe pas de lui... et ne dort pas !
Et nous, les gros dormeurs, dans tout ça ? Dans l'ensemble, on tient mieux le coup que je ne l'aurais cru. Et la plupart du temps, un sourire de l'hippocampe le matin me suffit pour oublier la mauvaise nuit...
Mais parfois, c'est difficile. Parfois, on craque, comme moi il y a peu, alors que j'espérais dormir encore (il était 7h, un lundi, donc je ne travaillais pas) après seulement 4 petites heures de sommeil (pas d'affilée, évidemment)... et que l'hippocampe n'a pas voulu coopérer. Ce matin-là, j'ai fondu en larmes, parce que je me suis demandé comment j'allais pouvoir, dans l'état d'épuisement où je me trouvais, mobiliser assez d'énergie pour rester une mère disponible et bienveillante... Ce jour-là, Glenn n'est pas allé travailler, mais bien sûr cela ne peut pas être une solution systématique.

Ce que je retiens, finalement, de mes quatre mois d'expérience, c'est que rien n'est acquis avec les bébés en terme de sommeil. Et que quand on l'admet, cela va déjà un petit peu mieux. Par ailleurs, cette crise du sommeil de l'hippocampe nous révèle je crois un peu plus encore en tant que parents. On se pose évidemment plein de questions, on se demande ce qu'on fait de travers (les fameuses mauvaises habitudes, encore et toujours elles... Et la culpabilité toujours souveraine : et si c'était ma peur de la mort subite qui l'empêchait de dormir ?)... Mais on trace encore et toujours la limite entre ce qu'on veut bien tenter, ce qui nous correspond, et ce qui ne nous va pas.
Ainsi, certains nous conseilleraient sans doute aujourd'hui de laisser pleurer l'hippocampe, de le sevrer, ou au minimum de le changer de chambre (mes parents les premiers). Nous avons fait un choix inverse en transformant notre lit à barreaux en lit cododo, un projet que nous avions avant la naissance mais que nous avions eu peur de mettre en œuvre. Nous avons moins peur, nous sommes plus sûrs de nous, nous savons mieux ce que nous voulons pour notre fils. C'est sans doute bête à dire, mais ce lit complètement accolé au nôtre me réchauffe le cœur quand je le vois. Non, il n'a pas été miraculeux. Oui, l'hippocampe se réveille toujours. Mais il n'y a plus de barreaux entre nous, et c'est comme un symbole : j'accepte enfin la mère que je suis, les parents que nous sommes. Des parents cernés jusqu'aux genoux, certes... Mais après tout, dans 10-15 ans, l'hippocampe dormira, pas vrai ?

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